Chapitre I – La Dormeuse
- Kim Leleux
- 4 avr.
- 2 min de lecture
Là où le bruit s’arrête, commence la vraie histoire.

La femme escargot n’avait pas prévu de s’endormir.
Mais à force de porter, elle s’est déposée.
D’abord un genou, puis l’autre. Puis le front contre la terre. Elle ne cherchait pas à fuir, non.
Elle cherchait juste une place où ne pas devoir prouver.
Le sol était tiède, l’air épais, et la lumière orange derrière ses paupières.
Elle sentit son dos s’étirer.
Et sa coquille — celle qu’elle croyait soudée —glisser un peu.
Juste un peu.
Mais à l’intérieur, ça s’agitait encore, des voix en choeur:
"Tu n’as pas fini.
Tu ne peux pas t’arrêter là.
Tu crois que le monde va t’attendre ?
Tu exagères.
Tu n’as pas souffert assez pour te permettre ça."

Elle voulait dormir, mais des voix en elle passaient l’aspirateur dans les coins.
Tiraient les rideaux.
Repassaient sa honte, comme un vêtement à remettre demain.
Et toujours en choeur, les voix résonnaient en elle:
"Tu te plains trop.
Regarde les autres, eux, ils continuent.
Tu devrais faire un effort."
Mais elle, ce soir-là, ou ce matin-là — elle ne répondit pas.
Elle s’était couchée à l’intérieur de son monde.
Dans ce lieu où les larmes ne font pas de bruit, où le sommeil n’est pas une fuite, mais une façon de dire :
“Je ne peux plus. Et je ne veux plus devoir.”
Autour d’elle, rien ne pressait. Rien ne jugeait.
Le silence, cette fois, n’était pas un reproche.
C’était un drap chaud sur son corps trop tendu.
Et elle dormit.
Peut-être une heure, peut-être mille ans. Juste assez pour que quelque chose change de place en elle.
Mantra
"Je suis autorisée à me retirer. Même si ça ne se voit pas. Même si ça déplaît. Même si ça ne résout rien."
Acte symbolique
Ce soir, ou un matin tôt, installe-toi en position fœtale.
Peut-être sur un tapis, un lit, ou même à même le sol. Place une main sur ton dos, l’autre sur ton ventre. Et dis-toi à voix basse :
“Je me dépose.”
Et s’il y a une voix en toi qui proteste, écoute-la.
Puis dis-lui simplement :
“Tu n’as plus besoin de me pousser. Je suis arrivé.e.”
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